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Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/177

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avec autant d’intelligence que toute celle réunie des chanteurs dont la voix est prisonnière en lui, vous donner, à lui seul, une audition du Faust de Berlioz, (orchestre, chœurs, quatuors, solis, bis, applaudissements, rappels et vagues commentaires indistincts de la foule.) Pour l’intensité du son total, il suffirait, disons-nous, de le multiplier par le Microphone. En sorte que, couché dans un appartement d’hôtel, en voyage, si vous placez l’oiseau sur une table et le conducteur microphonique à l’oreille, vous pourrez, seul, entendre cette audition sans réveiller vos voisins. Un tapage immense, digne d’une salle d’Opéra, s’envolerait pour vous de ce petit bec rose, ― tant il est vrai que l’ouïe humaine est une illusion comme tout le reste.

Cet oiseau-mouche pourrait vous réciter également le Hamlet de Shakespeare, d’un bout à l’autre et sans souffleur, avec les intonations des meilleurs tragédiens actuels.

Ces oiseaux, dans le gosier desquels je n’ai respecté que la voix du rossignol (qui, seul, me paraît avoir le droit de chanter dans la nature), ces oiseaux sont les musiciens et comédiens ordinaires de Hadaly. ― Vous comprenez, presque toujours seule, à des centaines de pieds sous terre, ne devais-je pas l’entourer de quelques distractions ? ― Que dites-vous de cette volière ?

― Vous avez un genre de positivisme à faire pâlir l’imaginaire des Mille et une nuits ! s’écria lord Ewald.

― Mais, aussi, quelle Shéhérazade que l’Électricité ! répondit Edison. ― L’Électricité, milord ! On ignore, dans le monde élégant, les pas impercep-