Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/186

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adoucir la brusquerie de son adieu par « quelques paroles raisonnables ».

Cela lui sembla plus « gentleman ».

Après tout, miss Evelyn avait eu soin de lui.

L’heure s’avançait : il prit une banknote et la posa, pour en finir, sur le guéridon du thé. Miss Evelyn prit le papier, sans trop d’ostentation, comme distraitement, puis, avec un mouvement d’épaules et un sourire, le jeta au feu.

Cette façon déconcerta l’excellent manufacturier. Il ne sut plus guère où il était. L’idée de ne pas avoir été « gentleman » le fit rougir. Il se troubla, craignant d’avoir, positivement, blessé sa gracieuse hôtesse. Jugez, par ce trait, de l’état de ses esprits. Il demeura debout, indécis, la tête lourde.

Ce fut alors que miss Evelyn, encore boudeuse, lui fit la folle amabilité de lancer par la fenêtre la clef de la chambre, après avoir donné un tour à la serrure.

Cette fois l’homme sérieux se réveilla tout à fait chez Anderson. Il se fâcha.

Mais un sanglot, qu’on étouffait dans un oreiller à dentelles, amollit sa juste indignation.

― « Que faire ? Briser la porte d’un coup de pied ? ― Non. C’eût été ridicule. Tout vacarme à cette heure ne pouvait, d’ailleurs, que nuire. Ne valait-il pas mieux, après tout, se décider à faire contre bonne fortune bon cœur ? »

Déjà ses pensées avaient pris un tour anormal et tout à fait extraordinaire.

« En y réfléchissant, l’aventure serait d’une infidélité bien vague.