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Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/191

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crètement, l’imitait. Donc, passons. Ce qui nous arrive, nous l’attirons un peu, voilà tout.

Les statistiques nous fournissent, en Amérique et en Europe, une moyenne ascendante se chiffrant par dizaines de milliers, de cas identiques ou à peu près, par année : c’est-à-dire ― d’exemples, répandus en toutes les villes, soit de jeunes gens intelligents et travailleurs, soit de désœuvrés dans l’aisance, soit d’excellents pères de famille, comme on dit, qui, sous le pli contracté en une faiblesse de cet ordre, finissent de la même manière au mépris de toute considération, ― car ce « pli » produit les effets d’asservissement de l’opium.

Adieu famille, enfants et femme, dignité, devoir, fortune, honneur, pays et Dieu ! ― Cette contagion passionnelle ayant pour effet d’attaquer lentement le sens quelconque de ces vocables dans les cerveaux inoculés, la vie se restreint, en peu de temps, à un spasme pour nos galants déserteurs. Vous remarquerez, n’est-il pas vrai ? que cette moyenne ne porte que sur ceux qui en meurent ; qu’il ne s’agit, enfin, dans ces chiffres, que des suicidés, assassinés ou exécutés.

Le reste grouille dans les bagnes ou gorge les prisons : c’est le fretin. La moyenne dont nous parlons (et qui fut, approximativement, d’environ cinquante-deux ou trois mille, seulement, pour ces dernières années) est en progrès au point de donner à espérer des totaux doubles pour les années qui viennent, ― au fur et à mesure que les petits théâtres s’élèvent dans les petites villes… pour éclairer les niveaux artistiques des majorités.