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Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/200

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œuvre de certains frauduleux moyens, ― si l’une de ces femmes, profitant de l’un de ces hasardeux moments de faiblesse maladive où tout vivant, même viril, peut se trouver sans défense, a su faire tomber, à la longue, ensuite, jusqu’à l’aveuglement passionnel, un homme beau, jeune, courageux, consciencieux de ses devoirs, ayant gagné sa fortune, doué d’une intelligence élevée et d’une initiale dignité de sens jusqu’alors irréprochable, ― oui, je déclare qu’il me semble équitable de dénier à cette femme le libre droit d’abuser de la misère humaine jusqu’à conduire, cet homme, consciemment ou non, où la sauteuse d’enfer dont je parle a conduit mon ami.

Or, comme il est dans la nature de ces sortes de personnes aussi nulles que mortelles d’en abuser quand même ! nécessairement ! (puisqu’en principe elles ne peuvent être, avons nous dit, qu’abaissantes, et qui pis est, contagieuses,) je conclus que le droit, libre et naturel aussi, de cet homme sur elles ― si, par miracle, il lui est donné de s’apercevoir à temps de ce dont il est victime ― est la mort sommaire, adressée de la manière la plus occulte et la plus sûre, et cela sans scrupule ni autre forme de procès, par la raison qu’on ne discute pas plus avec le vampire qu’avec la vipère.

Approfondissons encore l’examen de ces faits : c’est important. Par l’accidentelle incidence, disons-nous, d’un trouble mental dû aux fumées de tel « souper » (unique, peut-être, dans la vie de cet homme), voici que cette guetteuse innée reconnaît sa proie possible, en devine la sensualité virtuelle, inéveillée encore, trame sa toile de ha-