Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/204

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très-artificielle entre temps. Certes, il est difficile de le reconnaître d’un coup d’œil : mais cela est. ― « Qu’importe (s’écrient nos philosophes) si l’ensemble est d’une agréable impression ? Sont-elles autre chose, pour nous, que de jolis moments qui passent ? Si la saveur de leur personne, pimentée de ces ingrédients et ajoutis nouveaux, ne nous déplaît pas, qu’importe comment elles préparent le mets de haut goût qu’elles débitent ! »

Je pense vous prouver tout à l’heure que cela importe un peu plus que ces insoucieux amateurs ne le supposent. ― Puis, si nous regardons à la prunelle ces douteuses adolescentes (si jolies !) nous distinguerons, en ces prunelles, l’éclair du chat obscène qui veille en elles et cette aperception démentira, sur-le-champ, ce que la crudité d’une jeunesse factice peut leur prêter de charme.

Si, nous excusant du sacrilège, nous plaçons, à côté d’elles, par exemple, une de ces toutes simples jeunes filles dont les joues deviennent couleur des matinales roses aux premiers mots sacrés du jeune amour, nous trouverons, sans effort, que le mot « joli », vraiment, est quelque peu flatteur s’il s’agit de qualifier l’ensemble banal de cette poudre, de ce fard, de telle ou de telle fausse dent, de telle ou de telle teinture, de telle ou de telle fausse natte, rousse, blonde ou brune, ― et de ce faux sourire, et de ce faux regard, et de ce faux amour.

Donc, il est inexact d’avancer de ces femmes qu’elles sont belles, ou laides, ou jolies, ou jeunes, ou blondes, ou vieilles, ou brunes, ou grasses, ou maigres, attendu qu’en supposant, même, qu’il