Aller au contenu

Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/209

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

noire du cadre, frappa d’une étincelle le centre de la rose d’or.

Soudain une voix plate et comme empesée, une voix sotte et dure se fit entendre ; la danseuse chantait l’alza et le holè de son fandango. Le tambour de basque se mit à ronfler sous son coude et les castagnettes à cliqueter.

Les gestes, les regards, le mouvement labial, le jeu des hanches, le clin des paupières, l’intention du sourire se reproduisaient.

Lord Ewald lorgnait cette vision avec une muette surprise.

― N’est-ce pas, mon cher lord, que c’était une ravissante enfant ? disait Edison. Eh ! eh ! À tout prendre la passion de mon ami Edward Anderson ne fut pas inconcevable. ― Quelles hanches ! quels beaux cheveux roux ! de l’or brûlé, vraiment ! Et ce teint si chaudement pâle ? Et ces longs yeux si singuliers ? Ces petites griffes en pétales de roses où l’aurore semble avoir pleuré, tant elles brillent ? Et ces jolies veines, qui s’accusent sous l’excitation de la danse ? Cet éclat juvénile des bras et du col ? Ce sourire emperlé où se jouent des lueurs mouillées sur ces jolies dents ! Et cette bouche rouge ? Et ces fins sourcils d’or fauve, si bien arqués ? Ces narines si vives, palpitantes comme les ailes d’un papillon ? Ce corsage, d’une si ferme plénitude, que laisse deviner le satin qui craque ! Ces jambes si légères, d’un modelé si sculptural ? Ces petits pieds si spirituellement cambrés ? ― Ah !… conclut Edison avec un profond soupir, c’est beau la nature, malgré tout ! Et voici bien un morceau de roi, comme disent les poètes !