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Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/214

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virginale, la séduction des lèvres mouvantes, humides, pimentées de désirs, tout enflammées d’amour !

Et il alignait, sur un bord circulaire de la muraille, de vieux étuis débouchés remplis d’un cosmétique rouge, des pots de gros fard de théâtre de toutes nuances, à moitié usés, des boîtes à mouches, etc.

― Voici la grandeur calme et magnifique des yeux, l’arc pur des sourcils, l’ombre et le bistre de la passion et des insomnies d’amour ! et puis les jolies veines des tempes !… le rose des narines émues qui respirent vite, toutes haletantes de joie en écoutant le pas du jeune amant !

Et il montrait des épingles à cheveux noircies à la fumée, des crayons bleus, des pinceaux à carmin, des bâtons de chine, des estompes, des boîtes de k’hol de Smyrne, etc.

― Voici les belles petites dents lumineuses, si enfantines et si fraîches ! Ah ! le premier baiser sur la provocante magie du sourire ensorcelant qui les découvrait !

Et il faisait jouer, avec bruit, les ressorts d’un ravissant dentier pareil à ceux que l’on voit dans les montres des dentistes.

― Voici l’éclat, le satiné, la nacre du col, la juvénilité de la chair des épaules et des bras frémissants : les lueurs d’albâtre de la belle gorge ondulante !

Et il élevait, l’un après l’autre, chaque instrument du lugubre appareil de l’émaillage.

― Voici les beaux seins bondissants de la Néreïde ensalée des vagues aurorales ! Salut, dans