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Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/215

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l’écume et les rayons, à ces divins contours entrevus dans le cortège de l’Anadyomène !

Et il agitait des morceaux de ouate grise, bombés, fuligineux et de très rance odeur.

― Voici les hanches de la faunesse, de la bacchante enivrée, de la belle fille moderne, plus parfaite que les statues d’Athènes ― et qui danse avec sa folie !

Et il brandissait des « formes », des « tournures » en treillis d’acier, des baleines tordues, des buses aux inclinaisons orthopédiques, les restes de deux ou trois vieux corsets compliqués, et qui, avec leurs lacets et leurs boutons, ressemblaient à de vieilles mandolines détraquées, dont les cordes flottent et bruissent avec un son ridicule.

― Voici les jambes, au modelé si pur, si délicieusement éperdues, de la ballerine !

Et il faisait se trémousser, en les agitant à bras tendu le plus loin possible, ― deux lourds et fétides maillots, sans doute jadis roses, aux tricots rembourrés d’une étoupe savamment répartie.

― Voici les clartés adamantines des ongles des pieds et des mains, le brillant des petites griffes mignonnes. Ah ! l’Orient ! C’est de lui que nous vient encore cette lumière !

Et il montrait le dedans d’une forte boîte dite de roséine ou de nakarat, avec ses brosses usées, souillées encore de différents détritus.

― Voici l’élancé de la démarche, la cambrure, la sveltesse d’un pied féminin, où rien ne décèle l’intrusion d’une race servile, lâche et intéressée.

Et il choquait, l’un contre l’autre, des talons