Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/220

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que plusieurs appellent de l’amour. Et une partie du mal provient de ce que l’on emploie ce mot, par une sorte de bienséance inconvenante, à la place du réel. ― Donc, ai-je pensé, ― si l’Artificiel assimilé, amalgamé plutôt, à l’être humain, peut produire de telles catastrophes, et puisque, par suite, à tel ou tel degré, physique ou moral, toute femme qui les cause tient plus ou moins d’une andréïde, ― eh bien ! chimère pour chimère, pourquoi pas l’Andréïde elle-même ? Puisqu’il est impossible, en ces sortes de passions, de sortir de l’illusion strictement personnelle, et qu’elles tiennent, toutes, de l’Artificiel, puisqu’en un mot la Femme elle-même nous donne l’exemple de se remplacer par de l’artificiel, épargnons-lui, s’il se peut, cette besogne. Telles femmes désirent que nos lèvres se rougissent au contact des leurs, ― et que, de nos yeux, bondissent des larmes amères si leur caprice ou leur trépas nous sèvrent de tel ou tel pot de céruse ? Essayons de changer de mensonge ! Ce sera plus commode pour elles et pour nous. Bref, si la création d’un être électro-humain, capable de donner un change salubre à l’âme d’un mortel, peut être réduite en formule, essayons d’obtenir de la Science une équation de l’Amour qui, tout d’abord, ne causera pas les maléfices démontrés inévitables sans cette addition ajoutée, tout à coup, à l’espèce humaine : et qui circonscrira le feu.

Une fois cette formule trouvée et jetée à travers le monde, je sauverai peut-être, d’ici à peu d’années, des milliers et des milliers d’existences.

Et nul ne pourra m’objecter d’impudentes insi-