Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/261

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Peut-être ! répondit, sous son voile de deuil et avec sa merveilleuse voix de songe, Hadaly.

― Quelle parole ! murmura le jeune lord.

Déjà le mouvement de la respiration soulevait le sein de l’Andréïde.

Soudain, croisant les mains, et s’inclinant vers lord Ewald, elle lui dit d’une voix rieuse :

― Et, pour ma peine, voulez-vous me permettre de vous demander une grâce, milord ? dit-elle.

― Volontiers, miss Hadaly, répondit le jeune homme.

Et, pendant qu’Edison rangeait ses scalpels, elle s’éloigna vers les pentes de fleurs du souterrain : puis, ayant avisé une grande bourse noire, aux plis de soie et de velours, pareille à celles des quêteuses, et qui était suspendue par ses cordons à un arbuste, elle revint vers l’Anglais surpris.

― Milord, dit-elle, toute belle soirée de plaisir, dans le monde, n’est complète, je crois, que si elle se rachète elle-même par quelque bonne œuvre dissimulée sous ses attraits. Ainsi, souffrez que je vous implore pour une jeune femme très aimable ― une jeune veuve ! ― et pour ses deux enfants !

― Que signifie ceci ? demanda lord Ewald à Edison.

― Mais, je n’en sais trop rien, moi ! dit Edison. Écoutons-la, mon cher lord ; souvent elle me fait de ces surprises à moi-même.

― Oui, continua l’Andréïde, je vous demande secours, bien humblement, pour cette pauvre femme ― que le seul dénuement de ses enfants oblige à subir encore de vivre ― et qui, sans le devoir de leur donner du pain, ne le supporterait