Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/280

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― Elle n’a guère que celle-là, répondit gravement l’ingénieur : mais, pour s’en assurer, il faut la questionner selon l’étrangeté de sa nature. C’est-à-dire sans aucune solennité de parole, d’une façon joueuse, en un mot. Ses discours, alors, éveillent une impression intellectuelle de beaucoup plus saisissante que les idées d’un sérieux ou même d’un sublime convenus.

― Donnez-moi donc un exemple de ces sortes de questions ? demanda lord Ewald. Prouvez-moi, qu’elle peut, cacher, réellement, en sa semblance, ― d’une manière quelconque, ― la notion de l’Infini ?

― Volontiers, dit Edison.

Et, se rapprochant de la dormeuse :

― Hadaly, dit-il, si nous supposions que, par impossible, une sorte de dieu, ― du genre de ceux d’autrefois, ― surgissant, invisible et démesuré, dans l’éther transuniversel, donnât, brusquement, la libre volée, du côté de nos mondes, à quelque éclair de même nature que celui qui vous anime, mais d’une énormité non pareille et pénétré d’une énergie capable de neutraliser la loi de l’attraction et de faire sauter tout le Système-solaire dans l’abîme, comme un sac de pommes ?

― Eh bien ? dit Hadaly.

― Eh bien ! que penseriez-vous d’un tel phénomène, s’il vous était permis d’en contempler l’effrayante performance ? acheva Edison.

― Oh ! répondit l’Andréïde avec sa voix grave et en faisant monter, sur ses doigts d’argent, l’oiseau de paradis, ― je crois que cet événement passerait, dans l’inévitable Infini, sans qu’il lui fût accordé