Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/298

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une fois assise et en se dégantant, si, grâce à vous, un début sérieux, à Londres, par exemple…

― Oh ! répondit Edison, n’est-ce pas un plaisir presque divin que de lancer une étoile ?

― Monsieur, interrompit miss Alicia Clary, je vous dirais que j’ai déjà chanté devant des têtes couronnées…

― … une diva !… continuait Edison enthousiaste et en versant à ses hôtes quelques doigts de vin de Nuits.

― Monsieur, reprit miss Alicia Clary d’un air à la fois pincé et rayonnant, l’on sait que les divas sont de mœurs plus que légères : je ne les imiterai pas en ceci. J’eusse même préféré une existence plus honorable, et je ne fais que me résigner à cette carrière… parce que je vois qu’il faut être de son siècle ! ― Et puis, lorsqu’on peut faire valoir des moyens, même bizarres, de faire fortune, je trouve qu’il n’y a plus de sots métiers, aujourd’hui.

La mousse du Lur-Saluces fluait, débordant les radieuses mousselines des coupes.

― La vie a ses exigences ! dit Edison. Moi-même, j’avais peu d’inclination pour l’expertise des tempéraments lyriques. Bah ! les organisations maîtresses peuvent se plier à tout et tout acquérir. Résignez-vous donc à la Gloire, comme tant d’autres ― qui en sont aussi étonnées que vous, miss Alicia Clary ! ― À vos triomphes !

Et il éleva son verre.

Sympathique à la rassise faconde de l’électricien, (dont la face, aux yeux de lord Ewald, semblait, en ce moment, cachée sous un loup souriant de velours noir), miss Alicia Clary toucha de son