Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/302

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Lord Ewald, en homme qui n’accorde même plus d’attention aux propos environnants, semblait uniquement préoccupé des paillettes irisées qui s’allumaient dans l’écume vermeille de sa coupe.

― C’est différent ! répondit, sans s’émouvoir, Edison. Je conçois qu’en effet vous ne puissiez asseoir votre jugement sur des bribes… comme les Scènes de la Forêt et de la Fonte des balles, par exemple, ou même sur le « morceau » du Calme de la Nuit…

― Celui-là fait partie de mon répertoire, soupira miss Alicia Clary : mais la chanteuse de New York se fatigue pour rien. Je pourrais le chanter dix fois de suite, moi, sans qu’il y parût, comme je vous ai chanté Casta-diva, une certaine soirée ! ajouta la belle virtuose en se tournant vers lord Ewald. Je ne comprends pas que l’on écoute sérieusement des cantatrices qui s’« emballent » comme on dit. Il me semble que je me trouve au milieu d’une assemblée de fous, quand je vois applaudir de tels écarts.

― Ah ! comme je vous comprends, moi, miss Alicia Clary ! s’écria l’électricien.

Il s’arrêta soudainement.

Il venait de surprendre un coup d’œil que lord Ewald, en un moment de distraction sombre, venait de jeter sur les bagues de la jeune femme.

Certes, il songeait à Hadaly.

― Maintenant, reprit Edison en relevant la tête, nous omettons, ce semble, une question assez grave.

― Laquelle ? demanda miss Alicia Clary.