Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/33

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Et, après un silencieux sourire, auquel on eût peu reconnu le sceptique de tout à l’heure :

― Non, je n’ai pas oublié cet admirable adolescent… qui me porta secours, il y a des années, déjà ! lorsque, mourant de misère, j’étais tombé sur cette route, là-bas, près de Boston.

Tous avaient passé auprès de moi en disant : « Pauvre garçon ! » Lui, l’excellent, le charmant samaritain, sans tant de doléances, sut mettre pied à terre pour me relever et, d’une poignée d’or, me sauver la vie, le travail ! ― Il s’est donc souvenu de mon nom ?… Tout mon cœur le recevra ! Ne lui dois-je pas la gloire ― et le reste !

Edison marcha vivement vers une tenture et appuya le doigt sur le bouton d’une sonnerie.

Un bruissement de cloche retentit au loin, dans le parc, du côté du château.

Presqu’aussitôt une voix d’enfant joyeuse partit, auprès d’Edison, de l’angle d’un tabouret d’ivoire :

― Qu’est-ce que tu veux, père ? disait la voix.

Edison saisit l’embouchure d’un appareil appliqué entre les tapisseries :

― Dash ! y prononça-t-il, on laissera pénétrer dans le pavillon, ce soir, un visiteur, lord Ewald. On le recevra comme moi-même… Il est chez lui.

― Bien, mon père ! dit la même voix, qui, grâce à un jeu de condensateurs, sembla, cette fois, provenir du centre d’un grand réflecteur à magnésium.

― Je préviendrai s’il soupe ici avec moi. Ne m’attendez point. Qu’on soit sages ! Bonsoir.

Un enfantin et charmant éclat de rire se fit entendre, dans les ombres, de tous côtés. On eût dit