Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/360

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l’intérieur moulait exactement une forme féminine.

On eût dit le perfectionnement, dû à notre ère, d’un cercueil égyptien, digne de l’hypogée d’une Cléopâtre. À droite et à gauche, dans les parois creusées, une douzaine de rubans d’étain galvanisé, pareils à des papyrus funèbres, un manuscrit, la baguette de verre et d’autres objets étaient rangés. Edison, appuyé à la roue étincelante d’une énorme machine à tonnerre, regardait fixement lord Ewald qui s’avançait vers lui.

― Ami, dit celui-ci pendant que l’Andréïde, comme revenue à elle-même, demeurait immobile, Hadaly est un présent qu’un demi-dieu seul pourrait offrir. Jamais dans les bazars de Bagdad ni de Cordoue, pareille esclave ne fut montrée aux califes ! Jamais enchanteur ne suscita pareille vision ! Jamais Shéhérazade n’eût osé l’imaginer dans ses Mille et une Nuits, de peur d’éveiller le doute dans l’esprit du sultan Schariar. Aucun trésor ne pourrait acheter ce chef-d’œuvre. Si, d’abord, il m’a transporté d’un mouvement de colère, l’admiration m’a vaincu.

― L’acceptez-vous ? demanda l’Électricien.

― Je serais un insensé, vraiment, si je refusais !

Quittes ! ― dit Edison, gravement, et en lui tendant les mains, que lord Ewald pressa de même.

― Soupez-vous avec moi, l’un et l’autre, comme la dernière fois ? continua-t-il en souriant. ― Si vous voulez, nous recommencerons la conversation de l’autre soir : vous verrez que les réponses de Hadaly seront… différentes de celles de son modèle.