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Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/374

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espèce de sommeil sacré, vibre sur ses lèvres ! Et il me suffisait de redire, de lèvres aussi, mais en silence, tout ce que vous disiez, pour que cette Inconnue de nous deux, vous entendant par moi, répondît en ce fantôme.

D’ parlait-elle ? entendait-elle ? Qui se trouvait-elle devenue ? Qu’est-ce que ce fluide incontestable, qui confère, pareil au légendaire anneau de Gigès, l’ubiquité, l’invisibilité, la transfiguration intellectuelle ? À qui avions-nous affaire, enfin ?

Questions.

Rappelez-vous le mouvement ― si naturel ! ― de Hadaly vers la réfraction photographique de la belle Alicia, dans ce cadre ? Et, en bas, celui vers l’appareil thermométrique propre à peser le calorique des rayons planétaires ? l’explication, tout improvisée, de cet appareil ? la scène, si singulière, de la bourse ? Rappelez-vous la netteté avec laquelle Hadaly décrivait la toilette exacte de miss Alicia Clary, lisant, sous la lampe, la dépêche du premier soir, dans le wagon ? Savez-vous par quel subtil, par quel incroyable moyen, ce fait de voyance extra-secrète a pu se produire ? Voici : ― Vous étiez imbu, pénétré, vous, du fluide nerveux de votre détestée et chère vivante ! Or, à certain moment, si vous vous en rappelez, Hadaly vous a pris par la main pour vous conduire vers le hideux tiroir où reposent les restes de l’étoile théâtrale. Eh bien, le fluide nerveux de Sowana se trouvait, par l’intime transmission de l’autre fluide, en communion avec le vôtre, grâce à cette pression de la main de Hadaly. À l’instant même il s’envola