Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/373

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de condensateurs tout nouveaux : j’y adjoignis un cylindre-moteur exactement correspondant à celui des mouvements de Hadaly. Quand Sowana s’en fut tout à fait rendue maîtresse, elle m’envoya, un jour, sans me prévenir, l’Andréïde, ici même, pendant que j’achevais un travail. Je vous déclare que l’ensemble de cette vision me causa le saisissement le plus terrible que j’aie ressenti dans ma vie. L’œuvre effrayait l’ouvrier.

― Que serait donc ce fantôme une fois devenu le double d’une femme ! pensai-je.

Dès lors toutes mes mesures furent calculées et minutieusement prises pour me trouver à même, un jour, de tenter, pour quelque cœur intrépide, ce que nous avons réalisé. Car, ― il faut bien remarquer ceci ! ― tout n’est point chimérique en cette créature ! Et c’est bien un être inconnu, c’est bien l’Idéal, c’est bien Hadaly qui, ― sous les voiles de l’électricité, ― en cette armure d’argent simulant l’Humanité féminine, ― vous est apparu : puisque, si je connais mistress Anderson, je vous atteste que je ne connais pas Sowana !

Lord Ewald tressaillit à cette parole grave de l’électricien ; celui-ci continua pensif :

― Étendue à l’abri des feuillées ombreuses et des mille lueurs fleuries du souterrain, Sowana, les yeux fermés, perdue hors de la pesanteur du tout organisme, s’incorporait, vision fluide, en Hadaly ! En ses mains solitaires, comme en celles d’une morte, elle tenait les correspondances métalliques de l’andréïde ; elle marchait, en vérité, dans la marche de Hadaly, parlait en elle, ― de cette voix si étrangement lointaine qui, durant son