Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/97

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― Vraiment ? Je vous accorde un mois ! dit lord Ewald.

― Inutile ; ― et je suis ponctuel. Il est, ici, disons-nous, huit heures trente-cinq minutes. À pareille heure, ici même, dans vingt et un jours, miss Alicia Clary vous apparaîtra, non seulement transfigurée, non seulement de la « compagnie » la plus enchanteresse, non seulement d’une élévation d’esprit des plus augustes, mais revêtue d’une sorte d’immortalité. ― Enfin, cette sotte éblouissante sera non plus une femme, mais un ange ; non plus une maîtresse, mais une amante ; non plus la Réalité, mais l’Idéal.

Lord Ewald considéra l’inventeur avec un étonnement inquiet.

― Oh ! je vais vous exposer mes moyens d’exécution !… continua celui-ci ; le résultat me paraît assez merveilleux, par lui-même, pour que les apparentes désillusions de son analyse scientifique s’évanouissent devant sa soudaine et profonde splendeur ! ― Oui, ne fût-ce que pour vous rassurer au sujet de la parfaite lucidité de ma raison, je vais vous mettre au courant de mon secret, tenez, dès ce soir. ― Mais, avant tout, à l’œuvre ! L’explication se dégagera, d’elle-même, au fur et à mesure que l’œuvre s’effectuera. ― Voyons ; miss Alicia Clary, d’après vos paroles, n’est-elle pas en ce moment à New York, au Théâtre ?

― Oui.

― Le numéro de la loge ?

― Numéro 7.

― Vous ne lui avez pas dit à propos de quelle visite vous la laissiez seule ?