Page:Villiers de L'Isle-Adam - L’Ève future, 1909.djvu/98

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― Cela l’eût si peu intéressée que j’ai cru devoir le lui taire.

― A-t-elle entendu prononcer mon nom ?

― Peut-être… Mais elle l’a oublié.

― Très bien ! dit Edison rêveur, ceci était important.

Et, s’approchant du phonographe, il en écarta le style, jeta un regard sur les pointillés, fit jouer le cylindre jusqu’à ceux qu’il désirait, ramena le style, et, rapprochant le capuchon du téléphone, donna un coup de doigt à l’instrument vocal :

― Martin, êtes-vous là ? cria le phonographe dans le téléphone.

Nulle réponse ne se fit entendre.

― Bon ! le sacripant s’est jeté sur mon lit ; je parie qu’il ronfle ! grommela Edison en souriant.

Ayant appliqué l’oreille au récepteur d’un microphone-perfectionné :

― Juste ! dit-il ; voilà : quand il a pris son grog, après le dessert, sa conscience réclame une sieste, ― et le scélérat, pour en jouir sans crainte, interrompt parfois la sonnerie.

― À quelle distance est la personne à qui vous parlez ? demanda lord Ewald.

― Oh ! tout simplement à New York, dans mon appartement de Broadway, répondit Edison, préoccupé.

― Comment ! vous entendez un individu ronfler à vingt-cinq lieues ?

― Je l’entendrais du pôle ! dit Edison, au train dont il va, surtout. Croyez-vous que le Fine-Oreille de vos contes de Fées, lui-même, oserait en dire autant sans que les enfants, révoltés de la lecture