Page:Villiers de L'Isle-Adam - Nouveaux Contes cruels.djvu/119

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la table ? Ici, surtout, au milieu de cette nature vivante, de ces magnifiques et vivaces arbres, par exemple, dont les ramures séculaires… l’odeur salubre…

— Plaît-il ?… cher étranger ? répondit Daphnis en ouvrant de grands yeux : — quoi… vous ignorez donc ?… Mais, ces superbes chênes, ces hauts mélèzes, qui ont abrité tant de royales amours, ayant subi, durant certaine nuit d’un récent hiver, cinq ou six degrés de froid de plus que n’en pouvaient supporter leurs racines, — ceci au rapport même des inspecteurs des Eaux-et-Forêts de l’État — sont morts, en réalité. Vous pouvez voir l’entaille officielle qui les marque pour être abattus l’année prochaine. Ils finiront dans des cheminées de ministères. Ces feuillées sont les dernières et ne proviennent plus que de la vitesse acquise : ce n’est qu’une brillante agonie. Il suffit à un connaisseur de jeter un coup d’œil sur leur écorce pour savoir que la sève ne monte