Page:Villiers de L'Isle-Adam - Nouveaux Contes cruels.djvu/174

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vous êtes né bon démarqueur, doué d’une écriture souple, d’une médiocrité… distinguée… Au fait, avez-vous publié quelque chose ?

Je tirai, de la poche de ma houppelande, mon unique volume, un recueil de vers intitulé : Loisirs d’un Contribuable.

Il le prit et, sous l’horrible jour du préau, se mit à le parcourir. Nous fumions en silence. Au bout de cinq minutes, il me le rendit avec une inoubliable expression de dédaigneuse tristesse.

— Le titre m’avait fait espérer mieux, dit-il, et j’en déplore l’ironie. Ces pages décèlent un souci constant de Beau pur, — et de qualité désintéressée ; on y sent frémir, sous le voile de vos vingt-cinq ans, le Mens divinior, le goût du rare, la recherche d’intégrité dans l’expression, l’éclair créateur. — Or, vous êtes pauvre ; voici donc votre inévitable avenir : — Dilution forcée de vous-même en menues productions obli-