Page:Villiers de L'Isle-Adam - Nouveaux Contes cruels.djvu/24

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L’une et l’autre s’étaient, bien entendu, choisi, dès le principe, ce qu’on appelle un « ami de cœur », cette chose sacrée, sise, en soi, plus haut que toutes questions vénales. Lorsque, en effet, on a tant d’acquéreurs, il est si doux de se reposer, de se ressaisir en quelqu’un de gratuit ! C’est d’une mode bien touchante. — À vrai dire, Georgette, non plus que Félicienne, — que Félicienne surtout ! — ne tenaient guère à ces préférés, chacun d’eux n’étant, au fond, qu’une sorte d’interlope moitié de proxénète : — mais, tout pesé, ces deux jeunes boulevardiers, en leur élégance utile, conféraient à nos inséparables un brevet de faiblesse attrayante qui en complétait la séductive morbidesse. Un « ami de cœur », en effet, rassoit, dans l’Opinion, toute femme de mœurs un peu libres. On s’entend dire : « Comment ! tu es encore avec un tel ? » et l’on répond : « Que veux-tu ! je l’aime ! » ce qui montre qu’après tout l’on n’est pas de bois. Enfin,