Page:Villiers de L'Isle-Adam - Tribulat Bonhomet, 1908.djvu/148

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fois (comme je viens de m’en apercevoir à propos de mes sens), qui m’affirme qu’elle ne me trompe pas encore ici ? Quand je pense Dieu, je projette mon esprit devant moi aussi loin que possible, en le parant de toutes les vertus de ma conscience humaine, que je tâche vainement d’infiniser ; mais ce n’est jamais que mon esprit, et non Dieu. Je ne sors pas de moi-même. C’est l’histoire de Narcisse. Je voudrais être sûr que c’est bien Dieu auquel je pense quand je prie !… Voilà tout.

— Sophismes ! susurrai-je en souriant. On appelle objectivité, je crois, en langage philosophique, ce ressassé phénomène du cerveau. Mais on ne s’est pas créé tout seul !

— Vous dites ?… fit Lenoir de son même ton de professeur qui m’agaçait.

— Enfin, vous ne nierez pas, je l’espère, qu’un Dieu nous a créés ?

— Prêtez l’oreille : Dieu ?… — Mystère ;