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Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/147

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Axël

Mon cousin, je rends justice à tout ce que vous dites. — Un verre de vin de Hongrie ?

Il remplit le verre du Commandeur.
Le Commandeur

Concluons. Je m’appelle la vie réelle, entends-tu ? Est-ce donc en se montant l’imagination (et ceci dans des manoirs à créneaux qui n’ont plus le sens commun et ne représentent, désormais, que des curiosités historiques tolérées pour la distraction des voyageurs), qu’on peut arriver à quelque chose de tangible et de stable ? Sors de ce tombeau suranné ! Ton intelligence a besoin d’air. Viens avec moi ! Je te guiderai, là-bas, à la cour, où l’intelligence même n’est rien sans l’esprit de conduite. Laisse ici les chimères ! Marche sur la terre, comme il sied à un homme. Fais-toi craindre. Redeviens puissant. Main basse ! Il faut réussir ! Et jette aux orties et aux torrents tout ce bagage de fictions dont tu rirais aux larmes avant trois semaines, si tu me suivais dans le monde royal. Une dernière fois, je t’en adjure : viens faire ton chemin. Qui peut te retenir ici ? Tu n’as pas de secrets, je pense, ni de raisons d’argent, ni de passions ! Dès lors, pourquoi cet absurde exil ?