Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/164

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— Va, je sais qu’aux yeux de la plupart des humains, rien ne semblerait justifier la soudaine et brisante dureté de mes paroles. Avec un sourire singulier : car, enfin, n’est-ce pas ? prendre plaisir au festin d’accueil et le dire, de belle humeur, à son hôte, en élevant un verre joyeux, — parler avec amour des douces femmes lointaines, — se délecter, avec une sensuelle ivresse, de ces aromales fleurs de forêts, — laisser, une fois ou deux, vibrer, en l’envolée d’une parole amie, la fierté d’un noble sang, — s’avouer, — même sans modestie ! — peu soucieux des conceptions ardues et des vastes pensées, — rappeler, avec la courtoisie mesurée qu’une sympathie toujours inspire, quels destins semblent oubliés par celui dont la jeunesse déjà s’exile… sont-ce là des crimes de lèse-hospitalité ? Pourquoi donc ces sujets de causerie, si aimables et si attrayants en eux-mêmes, sont-ils devenus, entre nous deux, tout à coup, quelque chose de si… sombre ?

Tu m’assurais d’une « familiale amitié », d’une « entente sincère », d’un « dévouement à l’épreuve », d’une « aide cordiale », d’une « expérience de milieux souverains dont tu me laissais disposer », que sais-je encore ! de joies, d’amours brillantes, et de lumières ! — et de femmes rieuses dans les festins !… Tous ces mots, si captivants à cause