Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/163

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— tu me proposais, si j’ai bonne mémoire, d’asservir, à ta suite, l’intégrité de mon intelligence et de mes jours dans le néant de mille intrigues risibles, d’aller bâiller, à tes côtés, en la diversité de princières antichambres, et tu nommais cela « faire son chemin ». Pour toi, c’est possible. Tu suis les goûts de ta nature. Elle n’est pas la mienne, voilà tout. Passons ! — Mon chemin ? voici des siècles qu’il est tracé. Comment prétendrais tu m’en faire dévier par tes conseils, alors que (fût-il de ceux auxquels tu songes !) zéro, d’après tes aveux mêmes, se trouve être, à peu près, la somme ronde et le résultat « positif » où t’ont conduit, en fait de situation dans l’État, d’influence, de considération réelle, de renommée illustre et de fortune, tes sagaces et sceptiques maximes, creuses comme des coquilles de noix rejetées par des singes ? Moins d’arrogance, et ne traite, ici, d’insensé que toi-même. — Si tu ne fus pas à la hauteur… même de tes mesquines ambitions, n’en accuse pas le hasard : il est innocent de ta suffisante incapacité… à moins que tu ne veuilles lui faire un crime de ton existence.

Le commandeur d’Auërsperg le considère avec le sourire d’une indifférence dédaigneuse. Tous deux apparaissent, miroitant comme au milieu d’une forge, au centre des incessants reflets du foyer, des torches et des éclairs.