Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/201

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milliers d’hommes, voici que les clairières deviendraient des fournaises, et que, dans l’étouffement des bois embrasés, les éclats de mine se compliqueraient des crépitements de milliers de carabines, et que l’aurore éclairerait une simple tuerie continue. L’hiver, ce serait encore plus bref, plus terrible : car, en ces terrains, travaillés depuis d’anciennes années, je détiens de vastes moyens d’ensevelissement — et pouvant utiliser ces millions de combattants qui ne reculent pas et qu’on appelle des arbres, je sais comment on affame, comment on émiette, comment on neutralise des forces… qui, d’ailleurs, seraient bien loin d’être, à tous égards, équivalentes à celles dont j’aurais pris le commandement. — En simulant, même, une défaite, il est deux sentiers qui pourraient conduire des colonnes d’assaut jusqu’à mes plateaux verdoyants et mon fossé : je puis, non seulement, de leur, sommet, y pousser de colossales roches arrondies, dont l’effet d’écrasement serait inévitable, mais, en quelques coups de mines, grâce aux anciens caveaux de guerre qui les longent, je puis en effondrer le sol jusqu’à donner à ces sentiers une inclinaison telle… qu’elle rendrait tout à fait inexpugnable ce vieux donjon, — dont le feu, dès lors, serait un achèvement. Je trouverais chimérique de vouloir fixer le chiffre des fuyards,