Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/232

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univers pour toi que la conception même qui s’en réfléchit au fond de tes pensées ; — car tu ne peux le voir pleinement, ni le connaître, en distinguer même un seul point tel que ce mystérieux point doit être en sa réalité. Si, par impossible, tu pouvais, un moment, embrasser l’omnivision du monde, ce serait encore une illusion l’instant d’après, puisque l’univers change — comme tu changes toi-même — à chaque battement de tes veines, — et qu’ainsi son Apparaître, quel qu’il puisse être, n’est, en principe, que fictif, mobile, illusoire, insaisissable.

Et tu en fais partie ! — Où ta limite, en lui ? Où la sienne, en toi ?… C’est toi qu’il appellerait l’ « univers » s’il n’était aveugle et sans parole ! Il s’agit donc de t’en isoler ! de t’en affranchir ! de vaincre, en toi, ses fictions, ses mobilités, son illusoire, — son caractère ! Telle est la vérité, selon l’absolu que tu peux pressentir, car la Vérité n’est, elle-même, qu’une indécise conception de l’espèce où tu passes et qui prête à la Totalité les formes de son esprit. Si tu veux la posséder, crée-la ! comme tout le reste ! Tu n’emporteras, tu ne seras que ta création. Le monde n’aura jamais, pour toi, d’autre sens que celui que tu lui attribueras. Grandis-toi donc, sous ses voiles, en lui conférant le sens sublime de t’en