Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/269

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loppent. Elle parle d’une voix pure, très sourde, très douce, presque basse, oppressée. — Parfois elle ferme les yeux tout à fait et son éclatante beauté grave resplendit sous les lueurs du flambeau, de la lampe et des pierreries. — Haletante, les narines frémissantes, les bras languides :

Sois indulgent pour toi-même, enfant ! Est-ce donc pour moi que je veux vivre ! Ne me tue pas. À quoi bon ? je suis inoubliable.

Sais-tu ce que tu refuses ! Toutes les faveurs des autres femmes ne valent pas mes cruautés ! Je suis la plus sombre des vierges. Je crois me souvenir d’avoir fait tomber des anges. Hélas ! des fleurs et des enfants sont morts de mon ombre.

Laisse-toi séduire ! — Je t’apprendrai les syllabes merveilleuses qui enivrent comme les vins de l’Orient ! Je puis t’endormir en des caresses qui font mourir : je sais le secret des plaisirs infinis et des cris délicieux, des voluptés où toute espérance défaille. Oh ! t’ensevelir en ma blancheur, où tu laisserais ton âme comme une fleur perdue sous la neige ! Te voiler de mes cheveux où tu respirerais l’esprit des roses mortes !… Cède. Je te ferai pâlir sous les joies amères ; j’aurai de la clémence pour toi, lorsque tu seras dans ces supplices !… Mon baiser, c’est comme si tu buvais le ciel. Les premiers souffles du printemps sur les savanes sont moins tièdes que mon souffle, —