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Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/282

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veilleux, image peut-être fixée d’une seule parole où je m’étais incarnée l’heure précédente. Elle me fit tressaillir, cette fleur, qui me semblait éclose de mon âme ! Sans doute elle reconnut mes lèvres, Axël, lorsqu’au dédain de tous les périls, je lui dis, en un long baiser, mes grands espoirs ! — Muette, sous ma bouche maternelle, je sentis, en mon cœur, qu’elle me suppliait de la cueillir. Doucement, donc, j’arrachai toute sa tige, à travers les dures épines, sur l’arbuste mort d’où elle s’était élancée et qui la supportait. Puis, je réchauffai, sous mon haleine, le souffle de son parfum entre mes mains, — entre mes mains qui tenaient encore cette arme secrète, forgée en de vieux jours.

Elle montre le poignard cruciforme, tombé à terre.

— Écoute ! Des esprits, — que sais-je… des génies, étaient, certes, enfermés en sa beauté !… Aussitôt, des passages de l’Histoire humaine, jusque-là voilés à mon esprit, s’illuminèrent, en ma mémoire, de significations augustes et surnaturelles. Ainsi, je compris, sans pouvoir m’expliquer même l’intérêt que je prenais à le comprendre, pourquoi cette fleur, ainsi placée, par hasard, entre mes mains, sur la croix de mon poignard, formait un Signe qui avait dissipé, autrefois, comme du sable, les plus fiers et les plus solides