Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/285

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

t’intéresses ainsi, pour peu que je t’en parle, au fantôme d’une fleur effacée !…

Axël, lui couvrant les mains de baisers et la contemplant délicieusement

Je t’aime.

Sara, debout, près d’Axël, et appuyée au prie-Dieu, parlant comme si elle suivait, en un songe, une succession de mirages entre ses paupières à demi fermées.

Dis, cher aimé ! Veux-tu venir vers ces pays où passent les caravanes, à l’ombre des palmiers de Kachmyr ou de Mysore ? Veux-tu venir au Bengale choisir, dans les bazars, des roses, des étoffes et des filles d’Arménie, blanches comme le pelage des hermines ? Veux-tu lever des armées — et soulever le nord de l’Iran, comme un jeune Cyaxare ? — Ou, plutôt, si nous appareillions pour Ceylan, où sont les blancs éléphants aux tours vermeilles, les aras de feu dans les feuillages, et d’ensoleillées demeures où tombent les pluies des jets d’eau dans les cours de marbre ? — Veux-tu vivre, durant quelques jours, d’une existence étrange et lointaine, en ces habitations de porcelaine, à Yeddo, où sont les lacs japonais ? Là s’épanouissent, sous la lune, des touffes de fleurs barbares pareilles à des faisceaux de poignards parfumés. Le soir, il