Page:Villiers de L’Isle-Adam - Axël, 1890.djvu/299

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

table ! — C’est inhumain plutôt même que surhumain ! Mon amant ! pardonne ! j’ai peur ! Tu me donnes le vertige. — Oh ! je défendrai la vie ! Songe ! mourir — ainsi ? Nous, jeunes et pleins d’amour, maîtres d’une souveraine opulence ! beaux et intrépides ! tout radieux d’intelligence, de noblesse et d’espoirs ! Quoi ! tout de suite ? Sans voir le soleil, une fois encore — et lui dire adieu ! Songe ! C’est si terrible !… Veux-tu — demain ? Peut-être, demain, serai-je plus forte, n’étant plus à moi-même !

Axël

Ô ma bien-aimée ! Sara ! Demain, je serais le prisonnier de ton corps splendide ! Ses délices auront enchaîné la chaste énergie qui m’anime en cet instant ! Mais bientôt, puisque c’est une loi des êtres, si nos transports allaient s’éteindre, et si quelque heure maudite devait sonner, où notre amour pâlissant, dissipé en ses propres flammes…

Oh ! n’attendons pas cette heure triste. — Notre résolution n’est-elle pas si sublime qu’il ne faut pas laisser à nos esprits le temps de s’en réveiller.

Un profond silence.

Sara, pensive

Je tremble : — mais c’est peut-être d’orgueil,