Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/129

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sans doute, une criminelle nécessité ; toutefois, elle peut exciper d’une vague excuse. Un intérêt majeur primant ici toute pitié, n’est-il pas vrai ? s’élever contre serait pur enfantillage.

Mais qu’une barbarie compassée, et que ne justifie aucun but humanitaire, soit mise en œuvre, chaque soir, contre d’innocents lions coupables seulement de captivité, c’est là, ce nous semble, un fait qui, dans une ville d’exemple où prédominent enfin des idées libérales, ne saurait être toléré désormais.

Exterminer des lions par douzaines, comme le faisait naguère le pauvre Gérard, quoi de mieux ? de plus licite ? — C’est un passe-temps que l’on doit même encourager. Mais les capturer pour rénover à leur égard les plus ingénieuses traditions de l’ancienne jurisprudence, à seule fin de distraire une cohue d’assez méphitiques spectateurs, je dis que c’est un acte digne de répression pénale.

Les enfants que l’on va traîner à cette féerie doivent-ils, pour toute morale, y puiser l’exemple de torturer, pour vivre, les derniers lions ?

Et ces lions, après tout, n’est-il pas sot de payer pour encourir leur mépris légitime ?

Oh ! qu’ils puissent désormais, en leurs songeries de prisonniers surpris par traîtrise, se rappeler en paix les hautes herbées et les larges feuilles des grands arbres renversés qui, jadis, voilaient au profond d’une gorge de l’Afrique du Nord, l’entrée de leur caverne établie au milieu des rui-