Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/179

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nationale, à Paris. Se connaissent-ils ? Non. Savent-ils ce que l’on attend d’eux ? Non, certes. À peine en auront-ils conscience dix minutes avant l’instant décisif. Par ainsi, nul risque, chez eux, après boire, de telle inquiétante allusion, — d’un mot trouble et menaçant, divulgué par une fille, — nulle traîtrise possible. Bref, ils ignorent, et on les a sous la main.

« Ils se trouvent même toujours à leur poste, sans le savoir ; car les voici bientôt logés, aux frais de la caisse commune, en trente de ces hautes mansardes, distantes chacune, — comme par hasard, — d’environ soixante-dix à quatre-vingts mètres des principaux édifices, foyers administratifs de l’autorité légale : par exemple, la Préfecture de police, l’Élysée, les ministères de l’Intérieur, des Postes et Télégraphes, et de la Guerre ; l’Usine centrale du gaz, les poudrières, la Banque de France, les Palais du Sénat et du Corps-Législatif, la Poste, la Bourse, l’Hôtel de Ville, etc. »

(L’on verra, bientôt, de quel acte de subtile mais heureusement inexécutable scélératesse l’École militaire et les cinq grandes casernes de l’armée de Paris seraient menacées).

« Durant les jours d’attente, il est indirectement procuré à chacun de ces trente préférés un petit travail qui les occupe et leur crée, autour d’eux, un vague renom d’assez braves gens. Un lit, une commode, un placard, une table, deux chaises, un seau d’étain et quelques ustensiles, voilà leur installation.