Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/215

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ce froid printanier dont frissonnent les rosiers rajeunis. Avril riait dans les airs, invitant à vivre encore, et, — sur les boulevards — les arbres, les vitres, poudrés de grésil comme d’une mousse de diamants, scintillaient dans une vapeur irisée. L’esprit ému d’un indéfinissable espoir, j’avisai la première voiture venue.

Environ trois quarts d’heures après, je me trouvai devant le portail d’un ancien prieuré, Notre-Dame-des-Champs ; — je montai les degrés de la chapelle et j’entrai.

L’orgue accompagnait des voix d’une douceur si pure que leurs accents ne semblaient plus tenir de la terre. Un hémicycle, au grillage impénétrable, formait les parois antérieures du sanctuaire. Là, chantaient, invisibles, les continuatrices de Thérèse d’Avila. C’était l’office des trépassés ; un prêtre, revêtu de l’étole noire, disait la messe des morts. En face de l’autel, s’élevait, au milieu des fumées de l’encens, une chapelle ardente.

Sans doute on célébrait le service d’une religieuse de la communauté, car un drap blanc recouvrait la châsse posée très bas au-dessus des dalles, — et s’étalait jusqu’à terre en plis où se jouait, à travers les vitraux couleur d’opale, la lumière du soleil.

Les mille lueurs des cierges, flammes de la forme des pleurs, éclairaient les autres pleurs d’or du drap funéraire, — et ces feux semblaient tristement dire à la clarté du jour : « Toi aussi, tu t’éteindras ! »