Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/214

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 Et mon unique tristesse est de n’avoir à lui sacrifier que cela.

Pénétré, malgré moi, par la ferveur de son extase, je demeurai silencieux, ne voulant troubler d’aucune parole le secret infini de son recueillement. Peu à peu, cependant, son visage reprit sa tranquillité ; elle se détourna, presque souriante, vers le vieil amiral de L…-M… qui s’avançait ; elle lui tendit la main et s’inclina comme pour s’en aller.

— Déjà vous partez ! murmurai-je. Je ne vous verrai donc plus ?

— Non, monsieur, dit-elle doucement.

— Pas même une dernière fois ?

Elle sembla réfléchir une seconde et répondit :

— Une dernière fois… Je veux bien.

— Quand ?

— Demain, à midi, si vous venez à la chapelle du Carmel.

Lorsque mademoiselle d’Aubelleyne eut disparu du salon, comme j’étais encore sous le saisissement de cette rencontre et de cet entretien, j’essayai, pour en dissiper l’impression, de me mêler à l’étincelante fluctuation de cette foule.

Mais, au premier coup d’œil, je sentis qu’une ombre était tombée sur toutes ces lumières ! Et qu’il ne resterait tout à l’heure de cette fête que des salles désertes, où glisseraient, comme des ombres, des valets livides sous des lustres éteints.


Le lendemain matin, je sortis bien avant l’heure indiquée. La matinée, tout ensoleillée d’or, était de