Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/228

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praticien s’imposait déjà comme l’une des sommités du siècle.

Après un froid moment de silence :

— Monsieur, dit-il, entre médecins, on doit s’épargner d’inutiles condoléances. D’ailleurs, une affection de la prostate (dont, certes, je dois périr sous deux ans, ou deux ans et demi) me classe aussi, à quelques mois d’échéance de plus, dans la catégorie des condamnés à mort. — Venons donc au fait, sans préambules.

— Alors, selon vous, docteur, ma situation judiciaire est… désespérée ? interrompit La Pommerais.

— On le craint, répondit simplement Velpeau.

— Mon heure est-elle fixée ?

— Je l’ignore ; mais, comme rien n’est arrêté, encore, à votre égard, vous pouvez à coup sûr, compter sur quelques jours.

La Pommerais passa, sur son front livide, la manche de sa camisole de force.

— Soit. Merci. Je serai prêt : je l’étais déjà ; — désormais, le plus tôt sera le mieux !

— Votre recours n’étant pas rejeté, quant à présent du moins, reprit Velpeau, la proposition que je vais vous faire n’est que conditionnelle. Si le salut vous arrive, tant mieux !… Sinon…

Le grand chirurgien s’arrêta.

— Sinon ?… demande La Pommerais.

Velpeau, sans répondre, prit dans sa poche une petite trousse, l’ouvrit, en tira la lancette et, fendant