Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/238

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 se penchaient en compagnie de tristes habits noirs. — Dans l’air matinal, sur la place, des hirondelles volaient, de ci, de là.

Seule, emplissant l’espace et bornant le ciel, la guillotine semblait prolonger sur l’horizon l’ombre de ses deux bras levés, entre lesquels bien loin, là-haut, dans le bleuissement de l’aube, on voyait scintiller la dernière étoile.

À ce funéraire aspect, le condamné frémit, puis marcha résolument, vers l’échappée… Il monta les degrés d’abord. Maintenant le couteau triangulaire brillait sur le noir châssis, voilant l’étoile. Devant la planche fatale, après le crucifix, il baisa cette messagère boucle de ses propres cheveux ramassée pendant la toilette, par l’abbé Crozes, qui lui en toucha les lèvres : — « Pour elle !… » dit-il.

Les cinq personnages se détachaient, en silhouettes, sur l’échafaud : le silence, en cet instant, se fit si profond que le bruit d’une branche cassée, au loin, sous le poids d’un curieux, parvint, avec le cri et quelques vagues et hideux rires, jusqu’au groupe tragique. Alors, comme l’heure sonnait dont il ne devait pas entendre le dernier coup, M. de La Pommerais aperçut, en face, de l’autre côté, son étrange expérimentateur, qui, une main sur la plate-forme, le considérait !… Il se recueillit une seconde et ferma les yeux.

Brusquement, la bascule joua, le carcan s’abattit, le bouton céda, la lueur du couteau passa. Un choc terrible secoua la plate-forme ; les chevaux se cabrèrent à l’odeur magnétique