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Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/249

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Agonisants, — car je n’aurai plus le droit de réciter celle des Morts, — devant cette table d’épouvantements où toutes les griffes électriques de la Science, comme des avant-courrières de celles des mauvais anges, seront déjà levées sur leur proie. Mes yeux seront aux écoutes de ton regard — au cas où je reconnaîtrai, en moi, que tu regardes !

« Oh ! si, à travers le crépuscule de tant d’horreur solitaire, illuminant tout à coup les ruines de ta mémoire, l’idée, seule, d’une espérance en la Clémence-divine, inspirée en toi, traverse les sanglantes brumes de ton âme, traduis-la — et tu la traduiras, malgré toi, — par le tout naturel et filial regard de l’Homme vers l’en-haut !

« Alors, me dressant, dédaigneux de tout respect humain et des plus éclairés sourires, fort, uniquement, de cette « Folie de la Croix » que l’Apôtre saint Paul m’a imposée du fond des siècles et en vertu de cette Absolution-conditionnelle que mon strict devoir est d’accorder, sur une lueur de vie et de repentir, aux chrétiens qu’une blessure mortelle prive simplement de l’usage de la parole, — au nom du Verbe éternel, enfin ! si je juge ta tête encore vive et suppliante, je lèverai sur ton front mon bras, pénétré, en cette seconde, de la substantielle foi des martyrs. — Et, tout entier, ton être réel, en sa forme immortelle, indéfectible, irrévocable — et que nul tranchant ne peut diviser — m’apparaîtra dans tes yeux, mon frère ! Et tu seras, pour moi, pareil à ce Larron, ton ancêtre du