Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/248

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

et d’Espace sur lesquelles se trame la lourde irréalité de ce monde. Cependant tout cela, d’ici à peu d’instants, ne sera plus, pour Toi, que le nul rentré en son originel néant. Et c’est au nom de cette Raison même, en laquelle tu puises le poignant courage d’affronter, sans espérance, ton propre Infini, que plusieurs de tes semblables vont tout à l’heure, prendre sur les consciences de prolonger l’étouffée et ténébreuse agonie de la Tête, après l’humaine expiation.

« Pour moi, je te parle au nom du bon Dieu. — Si, — même avec les réserves d’un doute, — il semble qu’une lueur de ton être-pensant veille, effectivement, encore, durant de brèves secondes, en cette tiède tête isolée, qui, seule, conçut et accepta les iniquités et souillures du corps, — non ! te dis-je ! tant que je pourrai juger flottante au vent de l’Abîme, en tes prunelles, cette lueur, il ne saurait être affirmé sans témérité que le Salut du Ciel est entièrement perdu pour toi. Certes entre ton cœur et ton cerveau tout rapport semblera discontinué… mais il paraîtrait que tu es ailleurs que dans leur ensemble. Or, peut-être qu’en cette tête, réinjectée de ton sang, où rouleront les yeux inquiets et lamentables, mon fils ! oui, peut-être qu’ALORS tu voudras ne plus refuser ce que tu repousses maintenant, — et que si tu pouvais le crier, tu le crierais !… Mon devoir est donc devenu de te confier au Dieu des miracles, pour qu’il te souvienne encore que je serai là, moi, son Prêtre, à genoux, priant seulement la prière des