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Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/256

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fonder la Société des Divorceurs, dont je suis président.

Vous allez voir comme c’est simple. C’est l’œuf de Christophe Colomb. J’ajouterai même que c’est un secret — et que l’incident mystérieux qui me fait si absurdement votre prisonnier en pouvait seul entraîner la révélation. D’ailleurs, bast ! comme je me retire, après moi le déluge !

— Continuez… continuez…, a répondu M. le juge en ouvrant de grands yeux.

— Voici donc.

(Ici, le vicomte a pris une voix de tête et a débité avec une extrême volubilité le discours suivant) :

— Sitôt averti par nos émissaires, (de fins limiers ceux-là !) — que telle jeune personne, de famille « honorable » s’en est laissé un peu trop conter, je tombe, incontinent et comme du ciel, dans la province, aux frais de la Société, à 15% d’intérêts et me fais aisément présenter dans la famille consternée. Là, jetant mon nom par les croisades, je laisse entendre (avec des périphrases de la plus suave distinction, bien entendu !) que je suis prêt à sacrer d’avance, de l’écusson (d’ailleurs assez casanier, entre nous) des Rotybal, la frêle créature appelée à pénétrer prochainement en notre système solaire, — au cours d’un traditionnel voyage en Italie, par exemple. — Mais comme a su dire excellemment le poète de l’Honneur et l’Argent, « les affaires sont les affaires », cent gais mille francs, tout net, sont mon chiffre, au provisoire contrat de cet hymen. Ah ! vous voyez ? je suis dans le mouvement.