Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/362

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 et c’était ainsi que l’enfant du conducteur de troupeaux était devenue conductrice de peuples.

Or, voici : peu de temps après la merveilleuse union, le prince, — qu’elle aussi avait aimé à jamais, — était mort. Et, sur le vieux monarque, un désespoir avait à ce point projeté l’ombre dont on succombe, que tous entendirent, par deux fois, dans Bénarès, l’aboiement des chiens funèbres d’Yama, le dieu qui appelle, — et les peuples avaient dû élever, à la hâte, un double tombeau.

Désormais, n’était-ce pas au jeune frère de Sinjab, — à Sedjnour, le prince presque enfant, — que la succession dynastique du trône de Séür, sous la tutelle auguste d’Akëdysséril, devait être transmise ?

Peut-être : nul ne délimitera la justice d’aucun droit chez les mortels.

Durant les rapides jours de son ascendante fortune, — du vivant de Sinjab, enfin, — la fille de Gwalior, émue, déjà, de secrètes prévisions et d’un cœur tourmenté par l’avenir, s’était conduite en brillante rieuse de tous droits étrangers à ceux-là seuls que consacrent la force, le courage et l’amour. — Ah ! comme elle avait su, par de politiques largesses de dignités et d’or, se créer, à la cour de Séür, dans l’armée, dans la capitale, au conseil des vizirs, dans l’État, dans les provinces, parmi les chefs des brahmes, un parti d’une puissance que, d’heure en heure, le temps avait consolidée ! … Anxieuse, aujourd’hui, des lendemains d’un avénement nouveau, dont la nature même lui était inconnue — car Séür avait désiré que la jeunesse de Sedjnour