Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/379

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cette face, au puissant crâne décillé, inerme et chauve, qu’effleurait en cet instant, sur le fuyant d’une tempe, le feu d’une tache solaire, imposait le vertige. Aux creux de ses orbites, sous leurs arcs dénudés, veillaient deux lueurs fulgurales qui semblaient ne pouvoir distinguer que l’Invisible.

Entre ces yeux, se précipitait un ample bec d’aigle sur une bouche pareille à quelque vieille blessure devenue blanche faute de sang — et qui clôturait mystiquement la carrure du menton. Une volonté brûlait seule en cette émaciation qui ne pouvait plus être appréciablement changée par la mort, car l’ensemble de ce que l’Homme appelle la Vie, sauf l’animation, semblait détruit en ce spectral ascète.

Ce mort vivant, plusieurs fois séculaires, était le Grand-Pontife de Sivâ, le prêtre aux mains affreuses, — l’Anachorète au nom de lui-même oublié — et dont nul mortel n’eût, sans doute, retrouvé les syllabes qu’à travers la nuit, dans les déserts, en écoutant avec attention le cri du tigre. Or, c’était vers lui que venait, irritée, Akëdysséril ; c’était bien cet homme dont l’aspect la transportait d’une fureur que trahissaient les houles de son sein, le froncement de ses narines, la palpitation de ses lèvres !