Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/392

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« Si, dans l’instant, ce taciturne ascète, votre souverain, se dérobe à ma demande en d’imprécises réponses, — avant une heure, moi, je le jure ! Akëdysséril ! — entraînant mes vierges militaires, nous passerons, debout, au front de nos chars vermeils avec des rires, dans la fumée, dispersant l’incendie de nos torches en feu aux profonds des noirs feuillages de votre antique avenue ! Ma puissante armée, encore ivre de triomphe, et qui est aux portes de Bénarès, entrera dans la ville sur mon appel. Elle enserrera cet édifice désormais déserté de son dieu ! Et cette nuit, toute la nuit, sous les chocs multipliés de mes béliers de bronze, j’en effondrerai les pierres, les portes, les colonnades ! Je jure qu’il s’écroulera dans l’aurore et que j’écraserai le monstrueux simulacre vide où veilla, durant des siècles, l’esprit même de Sivâ ! Mes milices, dont le nombre est terrible, avec leurs lourdes massues d’airain, les auront broyés, pêle-mêle, ces blocs rocheux, avant que le soleil de demain — si demain nous éclaire — ait atteint le haut du ciel ! Et le soir, lorsque le vent, venu des monts lointains — devant qui les autres de la terre s’humilient — aura dispersé tout ce vaste nuage de vaines poussières à travers les plaines, les vallées et les bois du Habad, je reviendrai, moi ! vengeresse ! avec mes guerrières, sur nos noirs éléphants, fouler le sol où s’éleva le vieux temple !… Couronnées de frais lotus et de roses, elles et moi, sur ces ruines, nous entre-choquerons nos coupes d’or, en criant aux étoiles, avec des chants