Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/56

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dont il ne sonnait mot à personne, — la « lubie » parfois étrange, qu’il s’y laissait aller à choyer, devenait bientôt despotique et tenace au point de le sommer de la réaliser. Maître de lui, toutefois, il savait la dissiper (avec un profond soupir !), lorsque la moindre incidence de la vie réelle venait, de son heurt, le réveiller ; — en sorte que ces morbides attaques ne tiraient guère à conséquence ; — néanmoins, depuis longtemps, en homme circonspect, se méfiant d’un pareil « faible », il avait dû s’astreindre au régime le plus sobre, évitant les émotions qui pouvaient susciter en son cerveau le surgir d’un dada quelconque. Il buvait peu, surtout ! crainte d’être emporté, par l’ébriété, jusqu’à réaliser, en effet, alors, telle de ces turlutaines subites dont il rougissait, en secret, le lendemain.

Or, en cette soirée, M. Redoux ayant, sans y prendre garde, dîné fort bien, chez le négociant (avec lequel il avait conclu, au dessert, l’avantageuse affaire, objet de son voyage d’outre-Manche), ne s’aperçut pas que les insidieuses fumées du porto, du sherry, de l’ale et du champagne altéraient, maintenant, quelque peu, la lucidité susceptible de ses esprits. Bien qu’il fût encore d’assez bonne heure, il revenait à l’hôtel, en son instinctive prudence, lorsqu’il se sentit, soudainement, assailli par une brumeuse ondée. Et il advint que le portail sous lequel il courut se réfugier, se trouvant être celui du fameux musée Tussaud, — ma foi, pour s’éviter un rhume, en un abri confortable, ainsi que par curiosité, pour tuer le temps,