Aller au contenu

Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’ancien maire de la localité du centre, ayant jeté son cigare, monta l’escalier du salon de cire.

Au seuil même de la longue salle où se tenait, dans une équivoque immobilité, cette étrange assemblée de personnages fictifs, aux costumes disparates et chatoyants, la plupart couronne en tête, sortes de massives gravures de mode des siècles, Redoux tressaillit. Un objet lui était apparu, tout au fond, sur l’estrade de la Chambre des Horreurs et dominant toute la salle. C’était le vieil instrument qui, d’après des documents à l’appui assez sérieux, avait servi, en France, jadis, pour l’exécution du roi Louis XVI : ce soir-là, seulement, la Direction l’avait extrait de la réserve comme nécessitant diverses réparations : ses assises, par exemple, se faisant vermoulues.

À cette vue et mis au fait, par le programme, de la provenance de l’appareil, l’excellent actualiste-libéral se sentit disposé, pour le roi-martyr, à quelque générosité morale, — grâce à la bonne journée qu’il avait faite. — Oui, toutes opinions de côté, prêt à blâmer tous les excès, il sentit son cœur s’émouvoir en faveur de l’auguste victime évoquée par ce grave spécimen des choses de l’Histoire. Et comme en cette nature intelligente, carrée, mais trop impressionnable, les émotions s’approfondissaient vite, ce fut à peine s’il honora d’un coup d’œil vague et circulaire la foule bigarrée d’or, de soie, de pourpre et de perles, des personnages de cire. Frappé par l’impression majeure de cette guillotine, songeant au grand drame passé,