Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/60

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comme la lubie, cette fois, voulait être réalisée, une ruse lumineuse, surgie de la difficulté à vaincre, éclaira soudain l’entendement de M. Redoux :

— Bravo ! c’est cela !… murmura-t-il. — Ensuite, d’un appel, en allant cogner à la porte, je saurai bien me faire ouvrir. J’ai mes allumettes ; un bec de gaz, lueur tragique ! me suffira… Je dirai que je me suis endormi. Je donnerai une demi-guinée au garçon : ça vaudra bien ça.

La salle était déjà crépusculaire : un fanal d’ouvriers brillait seul, sur l’estrade, là-bas, — ceux-ci devant arriver au petit jour. Des paillons, des cristaux, des soieries jetaient des lueurs… Plus personne, sinon le garçon de fermeture qui s’avançait dans l’allée du Shakespeare. Se tournant donc vers son voisin, M. Redoux prit, subitement, une pose immobile ; son geste offrait une prise ; son chapeau, de bords larges, ses mains rougeaudes, sa figure enluminée, ses yeux mi-clos et fixes, les plis de sa longue redingote, toute sa personne roidie, ne respirant plus, sembla, elle aussi, et à s’y méprendre, celle d’un faux-passant. Si bien que, dans la presque totale obscurité, le garçon du musée, en passant près de M. Redoux, soit sans le remarquer, soit songeant à quelque acquisition nouvelle dont la Direction ne l’avait pas encore prévenu, lui donna, comme au voisin taciturne, un léger coup de plumeau, puis s’éloigna. L’instant d’après, les portes se refermèrent. M. Redoux, triomphant, pouvant, enfin, réaliser