Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/70

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le jour précis de l’exécution fut connu bien à l’avance : on en finirait vers les sept heures du matin.

En sorte que, le renom du scélérat s’étant répandu dès longtemps à travers la contrée, il se trouva que, de toutes parts, les routes furent encombrées d’une énorme affluence de curieux, de paysans, de bourgeois, de commerçants des deux sexes, suivis de leurs enfants : l’on marcha toute la nuit aux environs d’Ixelles — comme si l’on se fût rendu à une sorte de fête nationale. On voulait voir comment il se tiendrait, le front qu’il aurait. — Et puis, l’on respirerait plus à l’aise de l’avoir vu périr. Rien ne coûte à la vindicte de la foule une fois parvenue à cette effervescence : aussi tous les propriétaires des maisons environnant la place firent d’excellentes affaires cette nuit-là. Comme il pleuvait un peu (c’était, je crois, en octobre), tous les greniers, toutes les mansardes, sous ces grands toits charpentés et ardoisés en pente raide, furent loués tant la place à des milliers d’individus qui s’y tassèrent, debout, et demeurèrent ainsi jusqu’au matin, dans l’obscurité, en causant, coude à coude, — pressés, osons le dire, comme de véritables harengs, — sous les poutres des toits.

Dehors, sur la grand’place, c’était un niveau remuant d’environ quinze mille têtes ; — à grand peine une triple haie de troupes protégeait le libre parcours de la charrette jusqu’au pied de l’échafaud.