Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/75

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tout amour noble ou sacré, menaçait de devenir endémique.

Aucuns passe-temps ne pouvaient les distraire de l’humiliant déplaisir qu’ils en éprouvèrent, encore presque enfants, sans, toutefois, le laisser transparaître, à cause d’une sorte de charité très douce dont ils étaient essentiellement pénétrés. Paule, svelte, en sa beauté d’Hypatie chrétienne, était de la race de ces mondaines aux cœurs de vestales qui préservées mieux que les Sand, les Sapho, les Sévigné, même, ou les Staël, de la vanité d’écrire, gardent, très pure, la lueur virginale de leur inspiration pour un seul élu. Lui ne se distinguait, en apparence, du commun des personnes de bonne compagnie que, — parfois, — par un certain coup d’œil bref, très pénétrant, un peu fixe et dont l’indéfinissable impression dissolvait ou inquiétait autour de lui les plus banales insouciances.

Tous deux, ainsi, voilaient, sous les irréprochables dehors qu’imposent les convenances aux êtres bien élevés, les géniales facultés de méditation dont leur Créateur avait doté leurs esprits solitaires. Et, de jour en jour, ces singuliers adolescents, — autant que les despotiques devoirs d’un rang dont ils s’honoraient le leur pouvaient permettre, — s’éloignaient de ces mille distractions si chères, d’habitude, à la jeunesse élégante.

Ne perdaient-ils pas les heures dorées de leur printemps en de trop songeuses et sans doutes stériles réflexions touchant… par exemple, ces nébuleux problèmes, — réputés insignifiants, ennuyeux