Page:Villiers de L’Isle-Adam - Derniers Contes, 1909.djvu/84

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larmes tremblent entre ses cils, et roulent sur ses joues pâlissantes.

Et, quand le soir bleuit les cieux, un serviteur taciturne, ancien dans l’une de leurs familles, vient allumer les lampes dans la maison.

— Mais la bien-aimée, — les femmes sont ainsi, — se plaît à s’attarder, par les fleurs, sur la pelouse, au baiser de quelque corolle déjà presque endormie. Puis, ils rentrent ensemble.

— Oh ! ce parfum d’ébène, de fleurs mortes et d’ambre faible, qu’exhale, dès le vestibule, la douce demeure ! Ils se sont complu à l’embellir, jusqu’à l’avoir rendue un véritable reflet de leurs rêves !

Auprès des tentures qui en séparent les pièces, des marbres aux pures lignes blanches, des peintures de forêts, et, suspendus aux tapisseries anciennes des murailles, des pastels, dont les visages sont pareils à des amies défuntes et inconnues. Sur les consoles, des cristaux aux tons de pierres précieuses, des verreries de Venise aussi, aux couleurs éteintes. Çà et là, cloués en des étoffes d’Orient, luisent, en éclairs livides, incrustés d’un très vieil or, des trophées d’armes surannées. — Dans les angles, de grands arbustes des Îles. Là, le piano d’ébène, dont les cordes ne résonnent, comme les pensées, que sous des harmonies belles et divines ; puis, sur des étagères, ou laissés ouverts sur la soie mauve des coussins, des livres aux pages savantes et berceuses, qu’ils relisent ensemble et dont les ailes invitent leurs esprits vers d’autres mondes.